Etat de droit | 14.07.2020

Hong Kong : la Loi sur la sécurité nationale menace l’État de droit


L'Union Internationale des Avocats (UIA) et l’UIA-IROL (l'Institut pour l'État de droit de l’UIA) expriment par la présente leur vive préoccupation au sujet de la « Loi de la République populaire de Chine sur la sauvegarde de la sécurité nationale dans la Région administrative spéciale de Hong Kong » (« LSN »). Tant la manière dont la LSN a été imposée à Hong Kong, sans consultation ni approbation du Conseil législatif ou de la population de Hong Kong, que la menace sérieuse que font peser les dispositions de la LSN sur l'État de droit constituent une grave menace aux institutions démocratiques de Hong Kong et aux principes fondamentaux inscrits dans la Loi fondamentale de Hong Kong.

La LSN constitue en particulier une menace grave pour la liberté d'expression, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur de Hong Kong, ainsi que pour l'indépendance du pouvoir judiciaire et de la profession juridique de Hong Kong.

Nous nous joignons à la Hong Kong Bar Association, membre de l'UIA, pour noter avec inquiétude les dispositions suivantes (entre autres) de la LSN :

1. La création de quatre nouvelles infractions pénales, définies de manière si générale qu'elles permettent aux autorités de sanctionner les dissidents non violents plutôt que les comportements criminels violents :

A. La « sécession », qui pourrait être interprétée comme l'interdiction de tout discours non violent ou de tout autre plaidoyer visant à modifier le statut juridique de Hong Kong ou sa relation avec la République Populaire de Chine (RPC) ;

B. La « subversion », qui pourrait être interprétée comme permettant la sanction pénale d'une expression démocratique telle que la grève ou le rassemblement pacifiques ou la critique des médias pour « ingérence » ou « tentative de saper » les gouvernements de Hong Kong ou de la Chine ;

C. Des « activités terroristes », y compris des comportements définis de manière vague comme « des activités dangereuses qui mettent gravement en danger la santé, la sûreté ou la sécurité publiques », ainsi que le simple fait de préconiser de telles activités ;

D. La « collusion avec un pays étranger ou avec des éléments extérieurs visant à mettre en danger la sécurité nationale », dont la définition est si vague qu'elle permet de poursuivre au pénal des universitaires, des médias et des organisations non gouvernementales de Hong Kong et de l'étranger pour simple opposition à la politique du gouvernement de Hong Kong ou de la Chine, caractérisée comme « provoquant par des moyens illégaux la haine des résidents de Hong Kong envers » les gouvernements de Hong Kong ou de la Chine.

2. L'autorisation du transfert de certaines poursuites pénales relevant de la LSN des tribunaux de Hong Kong aux tribunaux de la RPC sur le continent, sans aucune procédure judiciaire d'extradition, où les garanties de procès équitable prévues à Hong Kong ne seront plus applicables ;

3. La privation du droit à un procès avec jury populaire devant les tribunaux de Hong Kong par simple décision non révisable du gouvernement de Hong Kong, sans aucun recours judiciaire ;

4. La réduction de l'indépendance du pouvoir judiciaire de Hong Kong par la désignation, par le chef de l'exécutif de Hong Kong, d'une liste de juges chargés de l'audition des affaires relevant de la LSN, plutôt que par les juges principaux des tribunaux de Hong Kong, et la déchéance du droit des juges d'être inscrits sur cette liste pour avoir « fait une déclaration ou s'être comportés de quelque manière que ce soit mettant en danger la sécurité nationale », ce qui pourrait inclure des décisions judiciaires antérieures ou des déclarations en procédure de tout juge.

5. L'autorisation de procès secrets dans lesquels « la totalité ou une partie du procès est tenue à huis clos pour le public ou les médias mais le jugement est rendu en audience publique. »

6. Le renversement de la présomption en faveur de la libération sous caution en présomption de détention préventive, incompatible avec la présomption d'innocence, et de façon à poser la règle que la libération sous caution est refusée à moins que le juge « ait des raisons suffisantes de croire que le suspect ou le prévenu ne continuera pas à commettre des actes mettant en danger la sécurité nationale ».

7. L'attribution du « pouvoir d'interprétation » de la LSN au Comité permanent de l'Assemblée nationale populaire, plutôt qu'aux tribunaux de Hong Kong.

Nous notons également avec une vive préoccupation l'affirmation dans l'article 38 selon laquelle la LSN s'applique aux infractions commises en dehors de Hong Kong par des personnes qui ne sont pas des résidents permanents de Hong Kong. Cette disposition pourrait s'appliquer de manière extraterritoriale à toute personne ou entité, où qu’elle soit dans le monde, qui commente ou critique tout aspect de la LSN ou la manière dont elle est appliquée.

L'UIA et l'UIA-IROL notent que les articles introductifs de la LSN stipulent qu'elle est conforme à la Loi fondamentale de Hong Kong et au principe de « Un Pays, Deux Systèmes », « en vertu duquel la population de Hong Kong administre Hong Kong avec un degré d'autonomie élevé ». Nous notons en outre que les premiers articles de la LSN affirment spécifiquement que « les droits de l'homme seront respectés et protégés » dans l'application de la LSN, ainsi que « l'État de droit », la présomption d'innocence et « les libertés d'expression, de la presse, de publication, d'association, de réunion, de procession et de manifestation », et reconnaissent que les résidents de Hong Kong jouissent de ces droits en vertu de la Loi fondamentale et des pactes internationaux applicables.

Néanmoins, les dispositions spécifiques de la LSN créent une menace grave, actuelle et évidente pour les droits garantis aux citoyens de Hong Kong par la Loi fondamentale et les lois de Hong Kong.

Nous appelons le gouvernement de Hong Kong et le gouvernement de la RPC à suspendre l'application de la LSN et à la modifier en consultation avec le Conseil législatif de Hong Kong, le Bar Association of Hong Kong et la Law Society of Hong Kong afin de garantir que les droits et les libertés de la population de Hong Kong soient protégés conformément à la Loi fondamentale et à la Déclaration conjointe sino-britannique de 1984.

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