L’Institut pour l’État de droit de l’Union Internationale des Avocats (UIA-IROL) exprime sa profonde inquiétude face à la condamnation de l’avocat Ahmed Souab, ancien magistrat et lauréat du Prix Ebru Timtik 2025, à cinq années d’emprisonnement et trois années de contrôle administratif par le tribunal de première instance de Tunis, le 31 octobre 2025.
Maître Ahmed Souab, avocat de plusieurs militants et opposants politiques accusés dans l’ « affaire du complot » et connu pour ses prises de position dénonçant les atteintes à l’État de droit en Tunisie et les dérives du gouvernement du président Kaïs Saïed en juillet 2021, est poursuivi notamment des chefs de « constitution et organisation d’une entente terroriste » et « diffusion de fausses informations ».
Selon les informations recueillies, sa condamnation est intervenue à la suite d’une audience expéditive de sept minutes. Maître Souab, détenu depuis six mois en détention provisoire, devait comparaître par visioconférence en raison d’un prétendu « danger réel », ce qu’il a refusé de faire, demandant à exercer son droit à comparaître en personne afin d’assurer pleinement et effectivement sa défense.
Le Bâtonnier de l’Ordre national des avocats de Tunisie, présent lors de cette audience, a rappelé que, dans le respect du droit à un procès équitable, aucune défense ne pouvait être valablement assurée dans de telles conditions. Le jugement a néanmoins été rendu et la condamnation précitée prononcée, suscitant de vives préoccupations quant au respect des garanties procédurales essentielles.
Ces faits soulèvent de graves inquiétudes quant au respect des principes fondamentaux du droit à un procès équitable, tels que garantis par la Constitution tunisienne, la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Ils s’inscrivent dans un contexte plus large de détérioration de l’indépendance du pouvoir judiciaire et d’attaques à l’égard de la profession d’avocat en Tunisie.
Cette condamnation est d’autant plus préoccupante qu’elle trouve sa cause dans l’exercice du mandat d’avocat.
A l’instar de nombreuses organisations professionnelles, l’UIA-IROL attire l’attention sur la situation particulière de la profession dans un contexte général d’attaques contre la société civile dont la gravité est largement documentée.
L’UIA-IROL rappelle que les avocats doivent pouvoir exercer leur profession en toute indépendance et bénéficier pleinement de la liberté d’expression inhérente à leur rôle dans la défense de l’État de droit. Un tel rôle est d’autant plus important quand l’indépendance de la justice, pilier essentiel de l’État de droit, est mise à mal par l’exécutif.
L’UIA-IROL exprime sa solidarité pleine et entière à Maître Ahmed Souab, ainsi qu’au Barreau de Tunisie et à l’ensemble des avocats tunisiens engagés pour la défense des libertés fondamentales et la préservation d’une justice indépendante.
L’Institut appelle les autorités tunisiennes au respect des garanties procédurales et à l’ensemble des droits de la défense, et les exhorte à libérer Me Souab. Il leur rappelle également qu’elles ont par l’obligation de protéger la profession d’avocat, ainsi que chaque avocat individuellement contre tout forme d’intimidation ou d’entrave à l’exercice de leurs fonctions.