Etat de droit | 14.11.2019

Résolution de l’UIA relative à la situation en Pologne

Par cette résolution, le Conseil de Présidence de l’UIA, réuni en son 63è Congrès à Luxembourg, exprime sa plus vive inquiétude quant aux atteintes extrêmement préoccupantes d’affaiblir l’état de droit dans un certain nombre de régions dans le monde et spécifiquement en Pologne.

L’UIA

Rappelant l’importance fondamentale du respect de l’état de droit, lequel est intrinsèquement lié aux principes démocratiques et au respect des droits de l’homme,

Soulignant que l’état de droit implique l’indépendance du pouvoir judiciaire, lequel suppose notamment la séparation des pouvoirs par la protection du judiciaire contre toute interférence d’ordre politique, ainsi que des juges impartiaux et indépendants,

Insistant sur la garantie particulière que constitue, en matière d’indépendance des juges, un système de nomination basé sur le mérite (qualifications, expérience, intégrité, compétence, efficacité) et insistant sur l’importance d’une protection contre les mesures disciplinaires irrégulières,

Rappelant également que les avocats représentent les gardiens privilégiés et les défenseurs des droits des citoyens et de l’état de droit,

Regrettant profondément la situation extrêmement problématique existant dans plusieurs pays du continent européen quant à la protection des droits établis aux articles 2, 14§1, 17, 19, 26 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, aux articles 2, 7, 19 du Traité de l’Union européenne, aux articles 11, 21§1, 47 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, et aux articles 6§1, 8, 10, 13 de la Convention européenne des droits de l’homme.

Gravement préoccupée par les circonstances suivantes :

  • Les conséquences de la réforme judiciaire en Pologne, laquelle a débuté en 2015 et visé trois institutions judiciaires clés, à savoir le Tribunal constitutionnel, le Conseil national de la Magistrature et la Cour suprême,
  • Les scandales récents qui ont assombri la situation en Pologne, en particulier la campagne de diffamation à l’encontre des juges et procureurs qui se sont opposés aux réformes portant atteinte au système judiciaire; la démission du Ministre adjoint de la Justice; l’ouverture de procédures disciplinaires contre les juges; le licenciement et remplacement de centaines de juges et procureurs par le Ministre de la Justice  et la nomination de nouveaux présidents de cours et membres du Conseil national de la Magistrature sur des critères douteux,
  • Les évènements ayant porté atteinte au libre exercice de la profession légale, et spécifiquement :

    • les tentatives de violer ou affaiblir le secret professionnel,
    • les actes de vandalisme et d’intimidation manifestement commis à l’encontre du Barreau de Varsovie dans la nuit du 26 au 27 mai 2019,
    • plusieurs manifestations de haine à l’égard d’avocats,
    • les actions disciplinaires récentes portées devant la Chambre disciplinaire à l’encontre de deux avocats ayant critiqué publiquement la situation instaurée par le Gouvernement,
     

Gardant à l’esprit que la Pologne est membre de l’Union européenne, laquelle a pris des décisions fermes à l’égard de cet État comme l’introduction des procédures devant la Cour de Justice de l’Union européenne, via la Commission européenne, (a) le 2 octobre 2018pour manquement à ses obligations  et (b) le 10 octobre 2019 contre l’exécutif polonais concernant le nouveau régime disciplinaire applicable aux juges polonais portant atteinte au principe de l’indépendance du judiciaire.

Rappelant que la Pologne est membre du Conseil de l’Europe, institution qui a également pris des mesures quant à la situation dans cet État, et en particulier via la communication faite en juillet 2019 par la Cour européenne des droits de l’homme au gouvernement polonais de l’Affaire Grzęda c. Pologne relative à la cessation prématurée du mandat d’un membre du Conseil national de la magistrature, invoquant une violation des articles 6§1 et 13 de la Convention européenne des droits de l’homme.

Observant une corrosion de la démocratie en Pologne via la politisation du judiciaire ayant pour effet de la priver de son indépendance objective et créant le risque d’entraîner la disparition du principe fondamental de la séparation des pouvoirs ; observant les tentatives du Gouvernement, en interférant sur les questions judiciaires, de porter atteinte non seulement à l’impartialité et l’indépendance du judiciaire mais également de la profession légale,

L’UIA :

  1. Prie instamment le Gouvernement polonais de prendre immédiatement toutes les mesures nécessaires pour rétablir une situation dans laquelle les principes démocratiques et l’état de droit sont pleinement respectés.
     
  2. En appelle aux autorités polonaises de respecter et mettre en œuvre sans délai les décisions de la Cour européenne des droits de l’homme et de la Cour de justice de l’Union européenne, et de respecter les conventions internationales liant la Pologne.
     
  3. Demande au Gouvernement polonais de fournir sans délais les garanties nécessaires à un exercice libre de la profession légale, à l’abri de toute menace ou mesures de pression.
     
  4. Encourage les autorités polonaises à prendre les mesures de nature à restaurer la confiance des citoyens polonais en leur système judiciaire.

 

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