Commissions | 17.08.2018

L’économie numérique et les enjeux du point de vue de l’immigration

Introduction

Le Mid-year Seminar de la Commission de droit de l’Immigration et de la Nationalité s’est tenu le 29 juin 2018 à New York.

Le thème de cette session était : « l’économie numérique (i.e plateformes telles que Airbnb, etc.) et plus particulièrement les enjeux du point de vue de l’immigration pour ces plateformes ».

Des avocats des Etats-Unis, du Nigeria, de Côte d’Ivoire, de Suisse, d’Espagne et de Belgique étaient présents et ont pu apporter des informations sur les pratiques dans leur pays respectif.

Résumé

La problématique a été abordée en soulevant une première question relative à la responsabilité de la demande de permis pour les utilisateurs d’une plateforme. Est-ce la plateforme qui effectue une telle demande pour le compte de ses utilisateurs ou les fournisseurs de services qui l’utilisent eux-mêmes ?

Il ressort de la discussion que la pratique varie en fonction des pays. L’important est d’abord de qualifier le fournisseur de services et ses rapports avec l’exploitant de la plateforme. En effet, si celui-ci est qualifié d’employé de la plateforme alors cette dernière devra se charger de la demande de permis. Tandis que s’il est indépendant, alors c’est lui-même qui devra prendre en charge les aspects migratoires.

Si c’est à la plateforme qu’il incombe de faire la demande de permis, il n’a pas été tranché si c’est l’entité locale du pays qui sert uniquement de support ou l’entité principale (souvent sise à l’étranger) qui doit déposer la demande.

Toutefois, il ressort de la pratique que c’est plutôt à l’entité locale de faire la demande de permis.

La discussion a soulevé la difficulté de mettre cela en pratique. En effet, si 200 personnes utilisent la plateforme pour fournir leurs services, alors elle devra théoriquement demander 200 permis.

Une autre difficulté qui s’ajoute est celle du type de permis à demander. En fonction de la durée de l’activité le type de permis varie. Cela a pour conséquence qu’il faut souvent demander une transformation du type de permis lors de la procédure voire même déposer une toute nouvelle demande. Les fournisseurs de service peuvent utiliser une plateforme à la fréquence qu’ils souhaitent pour une durée plus ou moins longue (ex. un jour, trois semaines, plusieurs mois, etc.) mais également par intervalles (ex. tous les deux mois) ce qui rend difficile de prévoir à l’avance la durée de l’activité.

C’est pour cela que dans les pays où les fournisseurs de services sur une plateforme sont considérés comme indépendants, la procédure de demande de permis est plus fluide. En effet, les utilisateurs de la plateforme connaissent leur statut et déposent directement la demande appropriée. En revanche, compte tenu de la liberté laissée aux fournisseurs de service dans leur utilisation de la plateforme, l’exploitant de plateforme qui devrait déposer une demande de permis ne saura quel type de permis demander, ce qui peut considérablement allonger le processus de demande.

Par ailleurs, si l’exemple du transport de personnes est choisi, une difficulté additionnelle s’ajoute à celles précédemment énoncées.

Le permis doit en principe être demandé au lieu où l’activité est exercée. Or, en pratique, les activités de transport de personnes couvrent de par leur nature même des régions de plus en plus larges d’un pays mais traversent également les frontières. Cela a pour conséquence qu’il faut déposer la demande dans le pays approprié, qui peut avoir des politiques migratoires plus ou moins strictes. Les personnes concernées peuvent ainsi être tentées de déposer leur demande dans un état plutôt qu’un autre en raison précisément des facilités liées à la demande de permis.

Un autre point qui a été soulevé lors de la discussion est le besoin de main-d’œuvre étrangère qualifiée nécessaire pour gérer les plateformes, notamment de la main-d’œuvre qualifiée du point de vue informatique.

Dans ce contexte, c’est à la plateforme de se charger de la demande de permis puisque les personnes chargées de la gestion des plateformes sont généralement dans un rapport contractuel de travail avec la plateforme. Toutefois, il reste envisageable que selon la plateforme prise en considération, il revienne à l’entité locale ou à l’entité principale de déposer la demande de permis, selon l’organisation des rapports contractuels en question.

Conclusion

La qualification du statut (i.e. employé ou indépendant) du fournisseur de services sur une plateforme est une question actuelle sujette à débat mais extrêmement importante puisque cette qualification a une incidence sur la personne responsable de la demande du permis, sur le type de permis mais aussi sur le lieu où cette demande doit être déposée.

Par Rayan Houdrouge
Membre officiel de l'UIA, Suisse
Président de la commission et du groupe de travail Droit de l'immigration et de nationalité

 

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