Exercice de la profession | 13.07.2020

Coronavirus: Quel impact sur les contrats en cours en droit italien ?

La diffusion du COVID-19 en Italie, d’abord dans les régions du Nord étendue ensuite à l’ensemble du pays, génère de considérables difficultés commerciales, techniques et organisationnelles pour les sociétés actives sur le marché italien, et notamment pour ce qui concerne l’exécution de leurs obligations contractuelles, devenu extrêmement difficile, voire impossible.
Les opérateurs du marché se demandent donc si – et dans quelles conditions – la diffusion du coronavirus ainsi que l’entrée en vigueur des dispositions règlementaires restrictives de la part du Gouvernement italien visant à la contenir, peuvent justifier les éventuelles inexécutions contractuelles en découlant.

En particulier, les sociétés se demandent si, en vertu des nouvelles dispositions règlementaires susvisées, il existe une « impossibilité » et/ou des causes de « force majeure » sur lesquelles se fonder pour apprécier la légitimité ou non des inexécutions des engagements contractuels soumis à la loi italienne, qui doivent être exécutés sur le territoire italien et, par conséquent, exclure l’éventuelle responsabilité contractuelle des contractants et l’obligation de réparation du préjudice subi en découlant.

1. FORCE MAJEURE

En premier lieu, il faut noter l’absence, dans le panorama juridique italien d’une disposition spécifique et d’une définition précise, univoque et partagée de la force majeure, même si cette notion a été reconnue par le droit d’autres pays et est généralement utilisée dans le cadre des contrats internationaux.

Selon la doctrine et la jurisprudence italiennes, la force majeure est représentée par un obstacle objectif, extraordinaire et imprévisible, extérieur à la volonté du débiteur et non imputable à celui-ci et insurmontable.

En particulier, il y a force majeure en cas d’évènements naturels ou humains (catastrophes naturelles, tremblements de terre, ouragans, révoltes, guerres, grèves nationales, incendies ou tout autre évènement imprévisible) qui, au vu de leur nature imprévisible et extraordinaire, ne peuvent pas être surmontés et sont donc hors du contrôle des parties. La pandémie du COVID-19 peut, donc, constituer un cas de force majeure, avec les possibles conséquences au plan contractuel décrites ci-dessous.
A cet égard, le Ministère du Développement Économique, par circulaire du 25 mars 2020, pour répondre aux exigences du commerce international et faciliter aux entreprises italiennes la preuve de la force majeure, a établi que les Chambres de Commerce, sur demande des entreprises, peuvent délivrer des attestations en langue anglaise concernant l’état de crise actuel en Italie indiquant que l’entreprise concernée déclare n’avoir pas pu remplir ses obligations contractuelles dans les délais prévus suite à la diffusion du COVID-19 et des mesures restrictives adoptées par les autorités compétentes.

2. IMPOSSIBILITE DE LA PRESTATION

Aux termes de l’art. 1256 du Code Civil, dénommé « impossibilité définitive et impossibilité provisoire », l’obligation est éteinte lorsque, pour une cause non dépendante du débiteur, la prestation devient impossible (l’impossibilité doit survenir après la conclusion du contrat).

Lorsque l’impossibilité est seulement provisoire et jusqu’à sa fin, le débiteur n’est pas responsable du retard de l’exécution.

L'obligation est éteinte si l’impossibilité dure jusqu’au moment où, au regard du titre de l’obligation ou la nature de son objet, le débiteur n’est plus considéré obligé à exécuter la prestation ou bien le créancier n’a plus intérêt à l’obtenir.

On considère qu’il y a « impossibilité de la prestation » pour factum principis (équivalent au fait du prince de droit français) lorsque le législateur ou l’autorité administrative compétente émettent des dispositions qui, dans l’intérêt public, imposent des comportements déterminés ou des interdictions qui ne permettent pas d’exécuter la prestation, de façon indépendante de la volonté du débiteur.

Cependant, selon la jurisprudence italienne, l’application de la force majeure pour fait du prince est exclue au cas où :(i) le factum principis était raisonnablement et facilement prévisible, selon la diligence ordinaire, au moment de la conclusion du contrat et (ii)le débiteur n’a pas tenté d’exécuter la prestation selon des solutions alternatives abstraitement envisageables – et légales bien évidemment - pour résoudre les obstacles posés par les autorités pourvu que cela suppose un sacrifice raisonnable pour le débiteur lui-même.

3. EXCESSIVE ONEROSITE

L’art. 1467 du Code Civil, dénommé "contrats synallagmatiques", s’applique dans le cadre des contrats à exécution continue, périodique ou différée (soit, les contrats « de durée » tel que typiquement les baux) et dispose que, lorsque l’une des prestations des parties est devenue excessivement onéreuse à cause de l’existence d’un évènement extraordinaire et imprévisible ne rentrant pas dans la sphère de contrôle du débiteur (tels que le Coronavirus et les dispositions règlementaires adoptées pour en contenir la diffusion), la partie obligée à exécuter cette prestation peut agir en justice pour demander la résolution du contrat, sous réserve de prouver que la prestation est devenue excessivement onéreuse et qu’elle découle des évènements extraordinaires et imprévisibles qui ont eu lieu.

L’appréciation de l’onérosité comme excessive est remise à l’appréciation des juges ; de toute façon, celle-ci doit survenir postérieurement à la conclusion du contrat et il est indifférent que le débiteur soit déjà en retard dans l’exécution de la prestation ou ait déjà été mis en demeure d’exécuter celle-ci au moment de la survenance du fait.

La résolution peut être demandée seulement si l’excessive onérosité survenue de la prestation ne rentre pas dans l’aléa normal du contrat. La partie à l’encontre de laquelle la résolution est demandée peut éviter la résolution du contrat en offrant de modifier de façon équitable les conditions contractuelles.

4. CONCLUSION

Au vu de ce qui précède, l’existence de l’impossibilité ou de l’excessive onérosité de la prestation relativement à une cause de force majeure doit être analysée au cas par cas, en examinant chaque contrat pour vérifier, par exemple :
- L’existence de clauses spécifiques excluant ou limitant la force majeure ;
- La loi applicable ;
- La nature de la prestation ;
- Les modalités d’exécution de la prestation ;
- Les éléments et les faits qui comportent retard, impossibilité totale ou bien excessive onérosité de la prestation ;
- L’impact de ces éléments sur les engagements contractuels ;
- Les difficultés effectives ;
- L’existence de solutions alternatives qui permettent l’exécution dans des conditions raisonnables.
Il est donc conseillé aux sociétés, qui pourraient rencontrer des difficultés dans l’exécution régulière de leurs obligations contractuelles, de communiquer cette circonstance à leurs cocontractants, en décrivant – même de façon sommaire - les raisons qui justifient les éventuelles difficultés ou l’éventuelle impossibilité d’exécuter la prestation, également aux fins de démontrer la bonne foi dans l’exécution du contrat et de négocier des solutions alternatives sur la base desquelles signer, le cas échéant, des accords modificatifs des contrats originaux.

En dernier lieu, il n’est pas exclu que suite à la déclaration de pandémie en date du 11 mars 2020 de la part de l’Organisation Mondiale de la Santé –de nouvelles mesures législatives ou règlementaires puissent intervenir pour faciliter l’application de la règlementation susvisée en matière d’extinction de l’obligation pour impossibilité d’exécution ou la résolution du contrat pour excessive onérosité.

Par Anne-Manuelle Gaillet
Pirola Pennuto Zei & Associati
Milan, Italie

Et Nicola Lattanzi
Pirola Pennuto Zei & Associati
Milan, Italie

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