Commissions | 22.09.2025

La Nouvelle Réglementation bancaire du Sénégal: Vers un Secteur Financier Plus Stable et Transparent

Le Sénégal franchit une étape majeure dans la modernisation de son système financier avec l’adoption à l’unanimité par l’Assemblée nationale du projet de loi n° 01/2025, désormais entrée en vigueur avec la loi n° 2025-03 du 19 février 2025 portant réglementation bancaire. Cette réforme découle de l’adoption, le 16 juin 2023, par les ministres des Finances des pays membres de l’Union Monétaire Ouest Africaine (UMOA), d’un projet de loi uniforme portant sur la réglementation bancaire.

L'UMOA, se définit par l’adoption d’une monnaie commune, le Franc de la Communauté Financière Africaine (F.CFA) et repose sur une coopération étroite entre ses États membres que sont le Bénin, le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, la Guinée-Bissau, le Mali, le Niger, le Sénégal et le Togo. Ainsi, le Sénégal, en tant qu’Etat membre, a internalisé dans son ordre juridique la nouvelle loi bancaire adopté en juin 2023 par l’UMOA qui remplace la loi bancaire de 2007.

Cette réforme témoigne de l’engagement du Sénégal à aligner son système financier sur les meilleures pratiques internationales, tout en soutenant une croissance économique inclusive et durable. Elle s’accompagne d’autres initiatives et mise sur les recettes des hydrocarbures pour soutenir les ambitions économiques du pays.

La nouvelle loi bancaire apporte des avancées significatives visant notamment à renforcer la stabilité financière, à améliorer la transparence et de la gouvernance, à encadrer des innovations financières, à harmonisation des pratiques bancaires et protéger les consommateurs.

  • i. Elargissement du champ d'application et modernisation des règles bancaires
     

La loi uniforme élargit son champ d’application à cinq catégories d’établissements financiers, contre deux seules auparavant. Elle inclut désormais les établissements de crédit, de paiement, de monnaie électronique, les fintechs, les compagnies financières et les holdings bancaires.

Par ailleurs, elle offre un cadre réglementaire clair pour la finance islamique et le financement participatif, ainsi qu’une base juridique solide pour les Fintechs, qui opéraient auparavant dans un flou juridique.

  • ii. Renforcement de la gouvernance
     

La nouvelle loi clarifie les règles de gouvernance, interdisant le cumul de certaines fonctions, comme celles de Directeur Général et de Président du Conseil d’Administration, et renforce le rôle des commissaires aux comptes. Elle prévoit des mesures telles que :

- L’interdiction du cumul des fonctions de Directeur Général et de Président du Conseil d’Administration.
- La limitation ou l’interdiction du cumul des fonctions d’administrateur et de Président du Conseil d’Administration (PCA).
- L’interdiction pour un Président du Conseil d’Administration (PCA) d’exercer simultanément les mêmes fonctions dans une autre entité assujettie.

Par ailleurs, le rôle des commissaires aux comptes est renforcé, avec une obligation de signalement à la Commission Bancaire de l’UMOA en cas de manquements détectés.

  • iii. Renforcement des pouvoirs de supervision et instauration de mesures strictes pour garantir la stabilité financière


Elle renforce les pouvoirs de la Commission Bancaire de l'UMOA, étendant ses compétences de supervision et de résolution à l'ensemble des entités financières, y compris les institutions de microfinance. Elle prévoit des sanctions strictes en cas de non-respect des normes prudentielles.

Ainsi :

- Un établissement en infraction ne peut procéder à des distributions discrétionnaires (dividendes, rachats d’actions, primes de rémunération) tant qu’il n’est pas revenu à la conformité.
- La réglementation bancaire est alignée sur celle du marché financier régional, avec l’introduction d’un régime juridique pour lutter contre les délits d’initié, assorti de sanctions pénales.
De plus, elle introduit des dérogations au droit commun de l’OHADA, notamment en matière de procédures collectives, pour protéger la stabilité financière et les intérêts des déposants.

Par exemple :

- En cas de décision judiciaire contre un établissement agréé, l’autorité judiciaire nationale doit consulter la Commission Bancaire pour s’assurer que l’exécution de la décision ne compromet pas la stabilité financière ou les intérêts des déposants.
- Cette disposition vise à protéger le système bancaire des conséquences systémiques de lourdes condamnations financières.

  • iv. Instauration d'un dispositif de règlement des litiges pour renforcer la confiance et la protection des clients


La nouvelle loi bancaire met en place un dispositif de règlement des litiges entre les établissements financiers et leur clientèle. Ce dispositif comprend un mécanisme interne de traitement des réclamations au sein des établissements et une médiation institutionnalisée au sein de l’Observatoire de la Qualité des Services Financiers (OQSF). Ces mesures visent à favoriser le règlement amiable des conflits, renforçant ainsi la confiance des clients dans le système financier. Cette réforme globale contribue à une meilleure stabilité, transparence et efficacité du secteur bancaire sénégalais et régional.

Aboubacar FALL
AF Legal Law Firm
Dakar, Sénégal

91652