L’UNOC3 à Nice (2025) a marqué un tournant politique pour de nombreux États, à commencer par le Liban, qui y a signé la Convention sur la diversité biologique (CDB). Ce geste, hautement symbolique, a suscité l’espoir d’un renforcement du droit de l’environnement marin dans une région particulièrement vulnérable. Mais il a aussi souligné un paradoxe persistant : la multiplication des engagements internationaux ne garantit en rien leur mise en œuvre effective.
La signature de la CDB par le Liban s’inscrit dans une dynamique d’ouverture aux standards internationaux. Elle traduit une volonté politique réelle, mais ne produit pas encore d’effets juridiques concrets tant que la ratification nationale n’est pas intervenue. Or, les réformes juridiques et administratives nécessaires se heurtent à un appareil institutionnel affaibli, une absence de coordination sectorielle, et un déficit d’outils contraignants.
Du côté français, le diagnostic est différent, mais tout aussi révélateur. Malgré l’existence de stratégies nationales structurantes (biodiversité, mer et littoral), la gouvernance reste éclatée entre administrations, et la fiscalité environnementale demeure sous-exploitée. Les dispositifs sont parfois trop complexes ou mal connus, et leur performance environnementale rarement évaluée.
La fiscalité bleue, levier encore marginalisé, cristallise ces tensions. En France, sa fragmentation entre administrations (DGFIP, DGITM, SGMer…) nuit à sa lisibilité. Au Liban, elle est quasiment absente du droit positif. Pourtant, cet outil pourrait structurer une action publique transversale, en articulant incitation, financement, et responsabilisation. Encore faut-il l’ancrer dans une vision cohérente, alignée sur les engagements climatiques et de biodiversité.
Les deux pays illustrent ainsi des formes différentes d’ineffectivité : juridique au Sud, fonctionnelle au Nord. Dans les deux cas, la transition écologique se heurte à un droit fiscal conçu sans finalité environnementale, et à une gouvernance incapable d’assurer une convergence intersectorielle durable.
Ce constat n’est pas figé. Plusieurs décisions récentes (CEDH, CJUE, Conseil d’État français) montrent une évolution vers une obligation d’agir, y compris en matière environnementale. Le juge devient garant de la cohérence entre les engagements et leur traduction normative. Ce glissement dessine les contours d’un droit de la biodiversité fondé sur la preuve, la traçabilité et la responsabilité juridique.
Le précédent américain, via le décret autorisant l’exploitation minière en haute mer sans passer par l’Autorité internationale des fonds marins, a mis en lumière l’ineffectivité du droit international en l’absence de mécanismes contraignants. Face à cela, il devient urgent de refonder la gouvernance environnementale sur des bases opérationnelles : ancrer les conventions dans des dispositifs nationaux effectifs, rendre les leviers fiscaux accessibles, et renforcer les capacités administratives des États.
Loin d’opposer Nord et Sud, l’analyse croisée de la France et du Liban révèle une exigence commune : celle de transformer le droit environnemental marin en un droit effectif, articulé et crédible.
Jhannys KOUADOU
Étudiante en Master 2 de Droit Public des Affaires, Université Paris - Saclay
Paris, France
Fayza MOUKADDEM
Moukadem Law Firm
Beyrouth, Liban