Défense de la défense | 29.01.2021

Journée de l'avocat en danger 2021 - Les avocats azerbaïdjanais doivent pouvoir exercer leurs fonctions professionnelles sans intimidation, entrave, harcèlement ou ingérence indue

À l'occasion du Conseil de présidence de l'Union Internationale des Avocats (UIA), le 29 janvier 2021, et en solidarité avec la 11e Journée de l'avocat en danger, consacrée aux avocats en Azerbaïdjan, nous exprimons notre vive inquiétude, sur la base de rapports documentés, face à l'augmentation des persécutions, du harcèlement, des poursuites pénales abusives et des sanctions disciplinaires sélectives et/ou arbitraires imposées aux avocats en Azerbaïdjan ces dernières années.

En outre, nous sommes préoccupés par les rapports faisant état de faiblesses et d'irrégularités dans les procédures d'admission à la profession d'avocat. En conséquence, de nombreux professionnels du droit se sont vu injustement refuser l'accès au barreau azerbaïdjanais, alors que le pays souffre d'une importante pénurie d'avocats.

Nous notons en outre avec inquiétude que les avocats particulièrement touchés par cette situation extrêmement préoccupante sont des confrères travaillant sur des affaires considérées comme politiquement sensibles, notamment celles concernant des violations des droits de l'homme, ce qui laisse penser que les procédures disciplinaires sont utilisées comme un outil pour punir les avocats qui s'occupent d'affaires sensibles ou d'affaires portées contre les autorités.

Nous déplorons que les autorités azerbaïdjanaises n'appliquent pas systématiquement les arrêts contraignants de la Cour européenne des droits de l'homme concernant la radiation/le refus d'admission au barreau [1]. Selon les rapports, plus de 10 affaires liées à la radiation du barreau ou à l'application abusive de procédures disciplinaires à l'encontre d'avocats sont actuellement en cours devant la Cour européenne des droits de l'homme.

Pour l’UIA, aucun avocat azerbaïdjanais ne devrait subir de poursuites, y compris des mesures disciplinaires, pour toute activité légitime entreprise dans l'exercice de ses fonctions professionnelles et/ou dans le cadre de la protection des droits de l'homme et de l'État de droit.

Par ailleurs, l'exercice pacifique de la liberté d'expression par les avocats azerbaïdjanais, y compris via les médias sociaux, devrait être pleinement respecté, même lorsqu'ils contestent des autorités qui ne respectent pas l'État de droit. Cela vaut en particulier pour l'accès à la justice et son administration, ainsi que pour la promotion et la protection des droits de l'homme.

Seule une profession juridique robuste et véritablement indépendante permettra de sauvegarder et de renforcer l'État de droit en Azerbaïdjan, en garantissant une protection adéquate des droits et l'accès à la justice pour tous.

A cet égard, nous rappelons que les barreaux doivent être les gardiens des valeurs fondamentales de la profession juridique, en particulier de l'indépendance de la profession. Le Barreau d'Azerbaïdjan a donc un rôle crucial à jouer dans la sauvegarde de la profession.

Nous demandons instamment au Barreau d'Azerbaïdjan d'assumer pleinement ses responsabilités pour la protection de ses membres contre toute ingérence injustifiée, toute attaque et toute restriction abusive, notamment :

  • en garantissant un accès transparent, équitable, objectif et ouvert au Barreau ;
     
  • en défendant son indépendance, notamment en refusant toute demande de sanctions disciplinaires injustifiées et/ou arbitraires de la part du gouvernement ou d'autres parties ;
     
  • en veillant à ce que les procédures disciplinaires soient conformes aux droits et garanties d'une procédure régulière ;
     
  • en prenant des mesures concrètes pour rétablir les licences des avocats représentant leurs clients dans les affaires de persécution politique et de violation des droits de l'homme ; et
     
  •  en s'engageant avec des associations juridiques internationales, telles que l'UIA, par l'intermédiaire de son Institut pour l'Etat de droit (UIA-IROL), afin d'améliorer les règles existantes relatives à la profession et de remédier à toute lacune.

Nous invitons donc les autorités azerbaïdjanaises compétentes, en coopération et en consultation avec l'Association du Barreau azerbaïdjanais et avec les avocats azerbaïdjanais à titre individuel, à :

  • mettre pleinement en œuvre les arrêts de la Cour européenne des droits de l'homme concernant les avocats et les défenseurs des droits de l'homme ;
     
  • veiller à ce que toutes les procédures disciplinaires actuelles et futures à l'encontre des avocats soient équitables, objectives, transparentes, soumises à un contrôle judiciaire indépendant et pleinement conformes aux normes européennes et internationales, y compris les droits à une procédure régulière et à un procès équitable ;
     
  • respecter, promouvoir, mettre en œuvre et veiller à ce que toutes les législations, politiques et pratiques actuelles et futures relatives à la profession d'avocat soient conformes aux normes européennes et internationales sur la protection de la profession d'avocat, y compris, mais sans s'y limiter, les articles 10, 16, 17, 19, 23, 25 et 26-29 des Principes de base des Nations unies relatifs au rôle du barreau ;
     
  • prendre toutes les mesures nécessaires, y compris au niveau législatif, pour garantir que les avocats puissent exercer leur profession en toute indépendance et sans subir de dommage, poursuites ou représailles ou menaces de tels actes.
     
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