L’Institut pour l’État de droit de l’Union Internationale des Avocats (UIA-IROL) exprime sa vive préoccupation face à la recrudescence des condamnations à la peine capitale et aux exécutions au sein des États membres de la Commission économique et sociale pour l’Asie et le Pacifique (ESCAP), à contre-courant avec la tendance mondiale vers l’abolition de la peine de mort.
L’UIA-IROL a pris acte de la déclaration de préoccupation de LAWASIA concernant la recrudescence des condamnations à mort dans la région de l’ESCAP [1].
Dans son rapport « Condamnations à mort et exécutions 2024 » publié en 2025 [2], Amnesty International a révélé que plus de 1.500 exécutions ont eu lieu dans 15 pays à travers le monde en 2024, marquant une hausse de 32% par rapport à l’année précédente. Il s’agit du nombre le plus élevé depuis le pic exceptionnel de 1.634 exécutions en 2015.
Cette augmentation est principalement imputable à trois pays qui concentrent à eux seuls 91% des exécutions recensées à l’échelle mondiale : l’Arabie Saoudite, l’Irak et l’Iran.
Outre ces exécutions recensées, la Chine, le Vietnam et la Corée du Nord continuent de pratiquer la peine de mort dans le secret, les chiffres sur la peine capitale étant classés secret d’État.
A la fin de l’année 2024, le Bangladesh comptait environ 2.000 personnes condamnées à mort suivi de l’Inde avec 164 détenus dans le couloir de la mort, faisant de ces deux États ceux où l’on recense le plus nombre de personnes en attente de leur exécutions [3].
L’UIA-IROL déplore particulièrement l’application de la peine capitale pour des infractions économiques ou liées au trafic de stupéfiants n’entrant pas dans la catégorie des « crimes les plus graves » au sens de l’article 6-2 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.
En 2024, les autorités vietnamiennes ont condamné à mort Truong My Lan pour son rôle dans des crimes économiques au Vietnam. Le 22 novembre 2024, les autorités singapouriennes ont quant à elle procédé à l’exécution de Rosman bin Abdullah reconnu coupable d’infraction liée au trafic de stupéfiants le 14 septembre 2010 et condamné à la peine de mort à titre de sentence obligatoire, malgré les appels des experts des Nations Unies à suspendre l’exécution [4] .
Enfin, l’UIA-IROL suit de près le cas de Pannir Selvam Pranthaman, qui devait être exécuté le 20 février 2025 pour trafic de stupéfiant et donc l’exécution a été suspendue par la Cour d’appel de Singapour afin de permettre le dépôt d’un recours [5].
L’UIA-IROL salue les progrès significatifs réalisés par plusieurs États, notamment la Malaisie où l’abolition de la peine de mort automatique et le processus ultérieur de révision des peines ont entraîné une réduction de plus d’un millier du nombre de personnes risquant d’être exécutées [6].
Le 20 septembre 2024, si la Cour constitutionnelle de Taïwan a considéré que la peine de mort était constitutionnelle pour certaines infractions graves telles que le meurtre, elle a strictement encadré son application : la décision doit être prise de manière unanime par les juges, elle ne peut pas être imposée à des personnes atteintes de troubles mentaux grave, les personnes accusées doivent bénéficier d’une défense effective à chaque étape de la procédure et le Ministère public a l’obligation de justifier ses choix. Les autorités taiwanaises doivent adapter la législation dans un délai de deux ans [7].
L’UIA-IROL réaffirme son engagement en faveur de l’abolition universelle et rappelle que son application est contraire au droit international des droits humains, notamment le droit à la vie consacré – entre autres – par l’article 6-2 du PIDCP, et la prohibition de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains et dégradants, norme impérative de droit international (jus cogens).
L’UIA-IROL se joint à la déclaration de LAWASIA concernant la recrudescence des condamnations à mort dans la région de l’ESCAP [8] .
L’UIA-IROL encourage les États membres de l’ESCAP et tous les États de manière générale à cesser d’appliquer la peine capitale en toutes circonstances, afin de se conformer aux droits humains tels que reconnus par le droit international.
***
[1] LAWASIA, The Law Association for Asia and the Pacific, « LAWASIA Statement of concern regarding the rise of death penalty sentences in the ESCAP region », 29 avril 2025.
[2] Amnesty International, Rapport mondial « Condamnations à mort et exécutions – 2024 », 2025.
[3] Ibidem, page 28 ; Annual ; Project 39A, Annual Statistics Report 2024.
[4] Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme « Singapore must urgently halt execution of drug offender : UN experts », 20 novembre 2024.
[5] Amnesty International, « Singapour : Action complémentaire : Les autorités fixent la date d’exécution d’un ressortissant malaisien : Pannir Selvam Pranthaman », 17 février 2025.
[6] Parlement de Malaisie, Réponse au Parlement, première réunion, quatrième session du 15e Parlement, février 2025, question no 86. Le recours automatique à la peine capitale a été supprimé en vertu de la Loi de 2023 portant abolition de l’imposition obligatoire de la peine de mort (Loi no 846).
[7] Cour constitutionnelle de Taiwan, Jugement 113-Hsien-Pan-8 (2024), rendu le 20 septembre 2024.
[8] LAWASIA, The Law Association for Asia and the Pacific, « LAWASIA Statement of concern regarding the rise of death penalty sentences in the ESCAP region », 29 avril 2025.